Les tonewoods n’existent pas !
Il y a des mots qui sentent bon la sciure et l’huile chaude. Tonewood, en apparence, en fait partie.

Le genre de mot que l’on retrouve dans les pages glacées des magazines, sur les fiches produit des sites américains, dans la bouche d’un vendeur qui veut justifier 600 € d’écart pour « deux bouts de bois collés ».
C’est joli. Ça sonne technique. C’est vendeur. Et pourtant : les “tonewoods”, ça n’existe pas. Ou plutôt : pas comme on vous l’a vendu…
Le bois n’a pas d’oreilles, mais il a une mémoire
Ce n’est pas dire que le bois n’a aucun effet sur la guitare électrique.
C’est dire que son rôle est largement galvaudé — mal compris, mal enseigné.
Le bois ne crée pas le son. Il le transforme, le module, le colore. Il agit comme un filtre passif, à condition que certains prérequis soient réunis :
- transmission vibratoire efficace (sillet, inserts, chevalet, vis),
- pièces bien ajustées,
- accastillage non étouffant,
- finition fine et respirante (pas une coque polyuréthane étouffante).
Alors, dans ces conditions, si on lui permet de s’exprimer, le bois influence le son, et pas qu’un peu ! Il filtre certaines fréquences, en laisse d’autres passer. Il colore le signal.
Le bois local vaut mieux qu’un fantasme exotique
Non, le palissandre indien n’est pas “meilleur” que le noyer ou le frêne breton.
Il est simplement devenu un standard par construction culturelle et marketing.
Historiquement, les guitares électriques ont été pensées dans un contexte d’exploitation coloniale : bois tropicaux, rareté valorisée, et luxe associé à l’exotisme.
Mais la réalité sonore n’en dépend pas.
Ce qui compte, c’est l’accord entre densité et hopmogénéité, vibration et fabrication.
Et ce travail, un bois local bien choisi peut le faire aussi bien — voire mieux.

Le son vient des doigts (et pas des mythes)
Le vrai son d’une guitare électrique, ce n’est pas un ingrédient mystique niché dans l’acajou.
C’est une interaction dynamique entre :
- le musicien et sa manière de jouer,
- la conception de l’instrument,
- le choix des micros,
- et enfin, l’architecture vibratoire du bois.
J’ai vu des gratteux faire sonner du contreplaqué comme des dieux.
VS
J’ai vu des luthiers scroller pour acheter en ligne le bout d’ébène parfait pendant des jours… (sans en maîtriser la coupe ni le séchage…).


Ce qu’on devrait enseigner à la place du mythe des tonewoods
Plutôt que de vendre du rêve (et du stock mort en entrepôt), on ferait mieux de :
🎓 Enseigner la lecture du bois :
- sa densité,
- son homogénéité,
- son élasticité,
- son histoire,
- sa coupe,
- son séchage,
- son optimisation.
🛠️ Comprendre comment il réagit dans un système, pas de savoir s’il affecte 5, 10, 50% du son de l’instrument…
💬 Car l’important, au fond, ce n’est pas ce que le bois dit — c’est ce que l’on décide d’écouter.

En résumé : non, les tonewoods n’existent pas… comme on vous les présente.
Mais le bois joue son rôle. Et ce rôle mérite mieux qu’un sticker marketing.
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